L’hormone fœtale GDF15 liée aux nausées et vomissements pendant la grossesse
Dans une étude de cohorte publiée dans la revue Nature, les chercheurs ont étudié l’association potentielle du facteur de croissance/différenciation 15 (GDF15), une hormone fœtale, avec les nausées et vomissements pendant la grossesse (NVP) et sa forme grave, l’hyperemesis gravidarum (HG), et ont exploré la base mécanistique de cette association. Ils ont découvert qu’un taux élevé de GDF15 dans le sang de la mère est associé à un risque accru de vomissements et d’HG pendant la grossesse.
Étude : GDF15 lié au risque maternel de nausées et de vomissements pendant la grossesse. Crédit d’image : christinarosepix/Shutterstock
Arrière-plan
Environ 70 % des femmes enceintes dans le monde sont confrontées à la NVP. Lorsque les symptômes sont trop sévères et gênent l’appétit et l’activité quotidienne, l’HG est diagnostiquée. La perte de poids et le déséquilibre électrolytique associés à l’HG peuvent être débilitants pour la mère et le bébé, avec des conséquences à long terme sur la santé des deux. Bien que l’HG soit l’une des principales causes d’hospitalisation pendant la grossesse, la compréhension de l’étiologie et de la pathogenèse moléculaire de cette maladie est limitée.
Le GDF15 est une hormone affectant le tronc cérébral, produite par le fœtus et les tissus placentaires pendant la grossesse. Chez les personnes non enceintes, GDF15 peut être produit en réponse au stress. Des taux élevés de GDF15 dans la circulation maternelle ont été observés dans des études antérieures sur des cas d’HG, suggérant son rôle potentiel dans l’étiologie de la maladie. Des études génétiques soutiennent également l’implication du GDF15 dans la susceptibilité à l’HG. Les chercheurs de la présente étude visaient à révéler la base mécanistique moins comprise de l’association entre les niveaux de GDF15, de NVP et de HG chez les modèles animaux ainsi que chez les humains.
À propos de l’étude
Dans la présente étude, des échantillons de sang ont été prélevés sur des femmes enceintes vers 15 semaines de gestation, y compris celles atteintes de NVP (n = 168) ou se présentant à l’hôpital avec HG (n = 57), ainsi que des témoins sans symptômes significatifs. Des tests immunologiques ont été utilisés pour mesurer les niveaux de GDF15, ceux les moins susceptibles d’être confondus par la variante H202D. Les participants des groupes test et témoin avaient des âges et un indice de masse corporelle similaires. Pour faire la distinction entre le GDF15 maternel et fœtal, des tests basés sur la spectrométrie de masse, des études de génotypage de l’ARNseq placentaire (abréviation de séquençage de l’acide ribonucléique) et de l’ADN maternel (abréviation de l’acide désoxyribonucléique) ont été menées.
Des variantes génétiques associées au risque HG ont été identifiées et étudiées. Une analyse de randomisation mendélienne (MR) a été réalisée à l’aide de données provenant d’études d’association pangénomiques pour explorer la relation causale entre GDF15 et HG.
Comme on sait que les niveaux de GDF15 sont augmentés chez les personnes atteintes de thalassémie, une enquête a été menée auprès de femmes atteintes de bêta-thalassémie (ayant eu au moins une grossesse antérieure avec naissance vivante), comparant l’issue de leur grossesse avec des femmes du même groupe ethnique et de même âge sans thalassémie.
Les expériences animales impliquaient l’administration d’une forme à action prolongée de GDF15 humain à des souris de type sauvage, étudiant ses effets sur la prise alimentaire. De plus, les souris dépourvues congénitalement de GDF15 (Gdf15-/-) ont été traités avec du GDF15 humain recombinant pour évaluer son impact sur la prise alimentaire.
Résultats et discussion
Par rapport aux témoins, les taux de GDF15 étaient significativement élevés chez les femmes atteintes de NVP ou d’HG. Alors que le GDF15 d’origine maternelle dans le plasma maternel était inférieur à 1 %, sa concentration dans la circulation augmentait dans certains cas entre le premier et le deuxième trimestre avant de diminuer au cours des stades ultérieurs.
Dans les études de mutation, il a été constaté que le rare variant C211G et deux variants courants présentant des mutations mononucléotidiques autour du locus GDF15 associées à un risque accru de HG réduisaient les taux de GDF15 en circulation. L’analyse IRM a montré que des niveaux plus élevés de GDF15 circulant chez les femmes non enceintes réduisaient leur risque d’HG (rapport de cotes = 0,7), indiquant un rôle protecteur de la molécule. Cette protection a également été observée dans des études animales. Par rapport aux témoins, les souris pré-exposées au GDF15 n’ont pas montré de diminution significative et aiguë de la consommation alimentaire lorsqu’on leur a injecté une forme à action prolongée du GDF15 humain. De même, sur l’administration du GDF15, Gdf15-/- les souris ont présenté une suppression de leur consommation de nourriture, contrairement aux souris de type sauvage.
Les résultats de l’enquête ont montré une prévalence remarquablement plus faible de NVP chez les femmes atteintes de thalassémie (5 %) par rapport aux témoins (> 60 %, p < 0,01).
Cependant, l’étude est limitée par le manque de prise en compte du génotype fœtal dans les estimations de randomisation mendélienne. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les effets de désensibilisation du GDF15 et explorer ses rôles supplémentaires dans la santé maternelle et fœtale.
Conclusion
Combinant des approches expérimentales, génétiques et cliniques, la présente étude donne un aperçu de l’origine, de la régulation et du rôle potentiellement causal du GDF15 dans la NVP et l’HG. Les résultats fournissent des preuves démontrant que la gravité de la NVP est influencée par la production fœtale de GDF15 et par la sensibilité de la mère à la molécule, qui à son tour est influencée par son exposition antérieure à l’hormone. Révélant le rôle mécaniste vital du GDF15 dans la NVP et l’HG, les enseignements de cette étude ont ouvert de nouvelles voies dans la prévention et le traitement de l’HG, avec le potentiel d’améliorer l’issue de la grossesse.