Un graphique linéaire qui montre les variations des revenus des mères et des pères par rapport à la naissance de leur premier enfant.

Pourquoi les revenus des femmes diminuent après avoir eu des enfants

Les inégalités entre hommes et femmes persistent dans de nombreux domaines, les femmes gagnant toujours en moyenne moins que les hommes. Une différence encore plus frappante est « l’écart de rémunération de la maternité » qui se produit lorsque les femmes ont des enfants. Également connu sous le nom de « fossé familial » ou de pénalités pour enfants, les revenus des femmes chutent après la naissance d’un enfant, tandis que ceux des hommes bougent à peine.

De nombreuses études ont étudié les causes des inégalités entre les sexes et ont conclu que les femmes n’ont pas pu rattraper le niveau de revenus des hommes, en partie à cause de leurs responsabilités parentales.

Pourquoi cela arrive-t-il? Les enfants ont un effet négatif sur la productivité des femmes sur le marché du travail en réduisant considérablement leur capital humain, ce qui se traduit par une diminution significative de leurs revenus.

Après la naissance de leurs enfants, les mères ont tendance à se tourner vers des emplois à temps partiel, des emplois avec des horaires de travail flexibles ou des postes offrant des conditions de travail plus favorables à la vie de famille, qui tendent tous à payer des salaires inférieurs.

En retour, les employeurs peuvent considérer les employés à temps partiel comme moins engagés et productifs, en particulier lorsqu’ils s’appuient sur des heuristiques (des raccourcis mentaux pour résoudre des problèmes) pour juger de la qualité des travailleurs, par opposition aux informations réelles sur leurs performances. Cela peut entraîner moins de primes et de promotions pour ces employés.

Les effets de la parentalité

Les données recueillies au Danemark, l’un des pays les plus égalitaires au monde, font état d’une pénalité à long terme pour les enfants d’environ 20 pour cent du revenu.

Nos recherches révèlent une situation similaire au Canada. Nous avons utilisé les données de l’Étude longitudinale et internationale sur les adultes de Statistique Canada couplées à des dossiers administratifs historiques de 1982 à 2018.

Nous avons comparé ce qui est arrivé aux gains des hommes et des femmes après la naissance de leur premier enfant pour les Canadiens qui ont eu leur premier enfant entre 1987 et 2009. À l’aide d’une méthodologie d’étude d’événements, nous avons suivi le revenu d’emploi des individus sur une période de cinq ans avant la naissance de leur premier enfant. l’enfant jusqu’à 10 ans après.

L’impact des enfants sur les mères et les pères. Les mères sont représentées par une ligne continue avec des marqueurs ronds et les pères sont représentés par une ligne pointillée avec des marqueurs carrés.

Nous avons observé des effets négatifs importants et persistants de la parentalité sur les mères, mais pas sur les pères. Les revenus des mères diminuent de 49 pour cent l’année de naissance, avec une pénalité de 34,3 pour cent dix ans plus tard. Les revenus des pères ne semblent en grande partie pas affectés.

Effets inégaux des enfants

La naissance d’enfants entraîne d’importantes pertes de revenus qui ne sont pas également réparties au sein des couples hétérosexuels. Les pères restent sur la même trajectoire de revenus, tandis que les femmes subissent des pénalités qui persistent au fil des années. Cela est particulièrement vrai pour les mères de plusieurs enfants ou celles ayant un niveau d’éducation inférieur.

Cet appauvrissement déclenché par la naissance d’un enfant peut avoir des conséquences économiques importantes en cas de séparation du couple. Au Canada, près du tiers des mariages se terminent par un divorce.

Les femmes sont généralement désavantagées financièrement après une séparation. Ce désavantage peut être attribué à des facteurs antérieurs à la séparation, tels que la division inégale du travail pendant le mariage et des revenus inférieurs pour les femmes, mais aussi aux absences prolongées des femmes du marché du travail en raison de responsabilités familiales.

A travail égal, salaire égal

Dans ce contexte, il est crucial de se demander s’il existe des mesures qui pourraient éliminer, ou du moins réduire, l’impact économique associé aux responsabilités familiales sur les revenus et l’emploi des mères.

Nous avons étudié le rôle des politiques familiales, dans la mesure où elles étaient en partie conçues pour encourager l’emploi des mères et promouvoir un partage plus équitable des responsabilités parentales entre les partenaires.

Plus précisément, nous nous sommes concentrés sur la prolongation des congés parentaux au Canada et sur l’instauration de services de garde à contribution réduite pour les familles du Québec. Nous avons trouvé des preuves suggérant que ces politiques peuvent contribuer à réduire les pénalités imposées aux enfants.

Les politiques « à travail égal, salaire égal », comme la Loi sur l’équité salariale du gouvernement fédéral, peuvent également faire une différence substantielle. Ces politiques peuvent accroître l’équité et l’attrait du marché du travail pour les femmes et réduire l’impact potentiellement négatif de la rémunération basée sur l’expérience pour les mères.

Plus d’avantages en fin de compte

En plus d’avoir un effet positif sur la situation économique des femmes, encourager l’emploi des mères pourrait contribuer à éliminer les stigmates entourant la division du travail au sein des couples en exposant les enfants à un modèle plus symétrique de travail rémunéré et non rémunéré.

Une étude récente utilisant des données provenant de 29 pays a montré que les mères qui travaillent étaient plus susceptibles de transmettre des valeurs égalitaires à leurs enfants, tant au travail qu’à la maison. Les filles dont la mère avait un emploi finissaient par travailler elles-mêmes davantage : elles travaillaient plus d’heures, étaient mieux payées et occupaient plus souvent des postes de supervision que les filles dont la mère était au foyer.

Un enfant est assis sur les genoux d'une femme, vraisemblablement sa mère, devant un bureau.  Elle sourit et touche un ordinateur portable tandis que sa mère lui sourit.
Les mères qui travaillent sont plus susceptibles de transmettre des valeurs égalitaires à leurs enfants, tant au travail qu’à la maison.

Le résultat n’a pas été observé chez les garçons. Cependant, les garçons qui ont grandi avec des mères qui travaillaient étaient plus impliqués dans les responsabilités familiales et domestiques à l’âge adulte que les hommes dont les mères n’étaient pas sur le marché du travail. Les filles consacraient également moins de temps aux tâches ménagères.

Les mères qui travaillent semblent avoir un impact intergénérationnel favorisant l’égalité des sexes, tant au sein de la famille que sur le marché du travail.

Nous savons tous qu’élever des enfants prend du temps. Les enfants bénéficient bien entendu de cet investissement de temps parental. Mais élever des enfants coûte également cher. Notre recherche a quantifié un type de coût : la trajectoire de revenus inférieurs. Savoir comment ces coûts sont partagés entre les deux parents est essentiel pour permettre une meilleure prise de décision, pour les décideurs politiques, mais, en fin de compte, pour les parents, les futurs parents et leurs enfants.